jeudi 16 septembre 2010

A very big boy...

BIG BOI - Sir Lucious Left Foot : The Son Of Chico Dusty 18/20


    Non, je vous en prie, ne fuyez pas devant la pochette hideuse du nouveau Big Boi ! Les apparences sont parfois trompeuses ( c'est souvent le cas pour les artworks d'albums de rap ), et vous risqueriez de passer à côté de l'une des plus grosses claques de l'année, si ce n'est la plus grosse.
    J'appréhende toujours la sortie de projets solos, surtout lorsqu'ils viennent de membres de groupes aussi talentueux qu'Outkast. La peur d'entendre un artiste livré a lui-même et se vautrer sans l'aide de ses camarades. C'est totalement l'inverse qui se produit à l'écoute de ce Sir Lucious Left Foot. D'une part parce que Big Boi est épaulé par un bon nombre d'illustres artistes, dont la superbe Janelle Monae, et puis tout simplement parce que l'album est une réussite totale. Entrons maintenant dans le vif du sujet...

    L'intro, Feel Me, annonce la couleur : l'album débute sur un son moitié old school avec sa prod légèrement funky, moitié electro avec ses beats et sa voix modifiée par ordinateur.
    Vous êtes à peine plongé dans l'ambiance que l'un des titres les plus tonitruants de l'album vous assomme : Daddy Fat Sax démarre à toute allure sur une section rythmique lourde se transformant en un son de frottement de platine, le tout suivi suivi d'un claphand en guise d'introduction. Trop tard pour réagir, le son vous explose à la gueule : un rap jouissif débité à grande vitesse, une mélodie en fond s'imprimant directement dans votre cortex, et des rythmes lancinants vous obligeant à suivre le pas. Et comme si ça ne suffisait pas, le refrain, détruit tout sur son passage. La mélodie de fond aquiert une nouvelle dimension en se métamorphosant en un bourdonnement électronique et lumineux. Des sons de platines s'entremêlent avec le rap de big boi, et un " Daddy Fat sax " sur une voix grave mémorable est lâché dans l'arène, le tout dans un enchaînement parfait, ne vous laissant aucun répit. On ne sait plus où donner de la tête. Big boi est au sommet de son art et nous hurle un " Damn ! You know who I am " totalement jouissif. La chanson continue sur un bridge aux accents plus soul et crooner r'n'b ( " Put my ears to the street and my eyes to the sky " ), constitué de légères notes de synthés et d'une voix old school qu'on imaginerait bien appartenir à une black arborant une coupe afro démesurée, tout droit sortie de l'époque disco 70's. Mais on est pas là pour se reposer sur ses lauriers, et le " Daddy Fat Sax " nous le fait rapidement sentir. Big Boi enchaîne en nous crachant des obscénités à la figure, et le pire c'est qu'on en redemande : " Take that ! Motherfucker, take that ! " . Quelle claque, cette façon de le prononcer. Ca fait vous fait l'effet d'un dialogue de Tarantino... Sans doute la phrase la plus palpitante avec " Damn, you know who I am ".
    Quelques paroles en guise de transition, et on passe directement au superbe Turns Me On, qui reprend un peu l'ambiance du bridge de Daddy Fat Sax : on retrouve la classe des sons hip-hop à l'ancienne, avec l'élégante mélodie du synthé et les lignes de basse et de percu feutrées. Le refrain ajoute une touche 60's à l'ensemble avec ses superbes harmonies soul. Un titre tout en retenue, et qui s'enchaîne pourtant à merveille avec le précédent.
    Follow us revient en douceur vers l'énergie du début, mais toujours avec ces accents hip-hop à l'ancienne et soul. L'intro et sa guitare funky s'accordent parfaitement à la voix de Big Boi et aux voix d'accompagnement. Viennent ensuite se greffer des envolées électroniques, mais aux sons vaporeux, cohérents par rapport à l'ambiance générale du titre. Le refrain, quant à lui, est chanté par la voix légèrement ragga de Vonnegutt. Là encore, on est assez impressionné par la facilité avec laquelle les différentes textures se complètent et se répondent.
    Le début de Shutterbug ne trompe pas : une voix grave sur une rythmique irrésistible, de puissants handclaps, et même des bruits de verre brisé, nous renvoient presque à la frénésie de Daddy Fat Sax. Le morceau, ponctué de temps en temps par des synthés vintage et des voix électroniques, prend des allures de funk kitsch. Une énergie raffraîchissante, à la différence du bulldozer Daddy Fat Sax.
   Changement radical d'ambiance dans General Patton : on part du coté du hip-hop épique de gangsta avec des choeurs aux intonations lyriques et dramatiques, tout en conservant ce son old school incarné par les cuivres et les puissants beats. On a l'impression d'entendre la BO de Star Wars dans une bagnole tunée qui rebondit au rythme des caissons de basse. C'est encore une fois assez kitsch, mais pas déplaisant.
   Je suis cependant beaucoup plus emballé par ce qui arrive après. Tangerine démarre sur une mystérieuse guitare, vrombissante et presque saturée, puis se retrouve accompagnée d'une ryhtmique orientale et tribale entêtante. On est envoûté par la chaleur du son, comme un cobra royal hypnotisé par le son d'une flûte. On pense parfois au duo Baby Boy entre Sean Paul et Beyoncé, et à la torride danse orientale du clip.
    You ain't no DJ enchaîne sur un rap primitif, sans fioritures. Les parties intrumentales sont plus de l'ordre du bruit que du son. On entend de courtes notes à mi-chemin entre un xylophone et des tintements de verres, et pourtant on y percevrait presque une mélodie. Big Boi démontre toute l'étendue de son talent en débitant son flow à une vitesse impressionnante. Impossible de résister à l'envie de danser sur ce rythme extatique. Yelawolf crache et hache ses mots en insufflant une énergie violente et jubilatoire au morceau. Cependant, je ne suis pas très emballé par la voix de gamin shooté à l'hélium qui repète le " greetings " de Big Boi, ça me fait malheureusement penser à un certain single de Matt Pokora... Heureusement elle est peu présente et nuit peu à la qualité générale du morceau.
    On retourne ensuite du côté de la ballade de crooner r'n'b avec le chant de Jamie Foxx dans Hustle Blood. J'avoue qu'à priori, ce n'est pas vraiment ce qui me transporte le plus, mais force est de constater que la production est toujours aussi soignée. Le beat est puissant et les sons de guitares modulés donnent une teinte quasi-aquatique au morceau. Et puis on retrouve par moment, et avec plaisir, ces voix d'accompagnement soul.
    On continue avec un excellent morceau, digne de Turns me On , à savoir le duo Be Still avec la fameuse Janelle Monae. Le titre démarre sur quelques notes de piano, une section rythmique percutante et quelques onomatopées toujours chantées par ces agréables harmonies soul. Janelle et sa voix sensuelle entrent en scène, accompagnées par des synthés hors du temps, vintage et futuristes à la fois. Soul 60's et électro 80's s'accordent à la perfection. Encore une fois, la production est d'une classe folle.
    Fo Yo Sorrows lorgne du côté d'un hip-hop quasi minimaliste, Big Boi faisant la part belle à une rythmique entraînante ponctuée de quelques notes électro. Le refrain s'épaissit un peu plus et comporte notamment un des refrains les plus facilement mémorisables de l'album. Certes, ce n'est pas le meilleur titre mais encore une fois, il n'y a aucune faute de goût.
    Alors là, autant vous prévenir, on continue sur une énorme baffe à la Daddy Fat Sax. Night Night débute sur un hilarant dialogue entre un dealer ( et un flic ? ) je suppose. Et de nouveau une harmonie soul apparaît et introduit un solo de guitare électrique. Le son monte crescendo : des cuivres font une entrée monumentale, supportée par des envolées de synthés. Subitement, une mélodie imparable et puissante aux trompettes vous met K.O., le tout aggrémenté d'un beat percutant. Ce hip-hop symphonique remplit de joie et vous laisse totalement euphorique. Big Boi prend le relais sur un ton plus calme, en étant toujours accompagné par le synthé. Son flow augmente légèrement en énergie, et voilà que vient le refrain scandé à tue-tête, de nouveau sur un fond de trompettes démentiel. Le genre de refrain qui pourrait vous faire soulever des montagnes. Le morceau continue de la même manière jusqu'à un bridge énergique où l'on entend à nouveau les choeurs soul chanter. Bref, une des tueries de cet album.
    Vous vous remettez à peine de ce titre dantesque qu'on vous balance un titre encore plus dingue à la tronche : Shine Blockas, un des nombreux singles de l'album, débute sur un son d'une profondeur à couper le souffle. Le sample, d'une beauté rare, respire encore la ballade de crooner mais avec une force émotionnelle encore jamais atteinte depuis le début de Sir Lucious. On assiste à un magnifique entremêlement de sonorités hip-hop et de violons lumineux et lointains, remixés à la sauce r'n'b. Même les phrasés de Big Boi et de Gucci Mane deviennent touchants. Beau à chialer...
    Il n'y a pas grand chose à dire de plus pour le titre suivant, The Train Pt. 2. La production est toujours aussi impeccable, et le phrasé du chanteur et des rappeurs toujours aussi entêtant.
    Je m'attarderai plus longuement sur la dernière chanson, Back Up Plan, qui est pour moi encore une belle baffe. Elle débute sur un des beats les plus imposants de l'album, si ce n'est le plus imposant. La basse vibre dans tous les recoins de votre corps, la qualité du son est assourdissante. L'intro sent encore une fois le hip-hop minimaliste, une section rythmique puissante et des voix parfaitement complèmentaires suffisent à vous donner la fièvre au corps. Mais à nouveau le son s'épaissit et des notes répétées au rythme du beat résonnent et pulsent dans votre boîte crânienne. Le refrain épate par ses voix soul et ralenties parfaitement mêlées à celles beaucoup plus énergiques de Big Boi et d'une femme semblant prête à en découdre dans une battle de break dance. La mélodie tourne ainsi en boucle, résonnant par tous vos pores. Une belle apothéose en somme...

    Sir Lucious est donc un album d'une qualité rare, la production faisant mouche à chaque titre, même si plusieurs morceaux sortent du lot : Daddy Fat Sax, Shine Blockas, Night Night, Turns Me On, Back Up Plan, Be still, Shutterbug, You Ain't No DJ... ( je vais m'arrêter avant de citer toutes les chansons ). Les différentes couches instrumentales et vocales de chaque morceau se superposent et s'enchaînent admirablement bien et les rendent entêtants. Alors, quand ce savoir-faire à la production est doublé de mélodies imparables, cela donne obligatoirement un des albums essentiels de 2010. A vous procurer de toute urgence !
   

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